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Zoom sur l’efficacité énergétique en Europe : l’interview

Louis Boisgibault est l’auteur d’une thèse consacrée aux « Territoires et Développement Durable ».  HEC, Docteur en aménagement et chercheur associé à la Sorbonne, il enseigne dans de nombreux établissements (HEC, Polytechnique…) et accompagne collectivités et entreprises pour leur transition énergétique à travers une société de conseils VALMERE, qu’il a co-fondée. Il a accepté de répondre à notre interview et de faire un point sur l’état de l’efficacité énergétique en Europe.

En matière d’efficacité énergétique, la France est-elle en retard par rapport à d’autres pays européens et si oui, pourquoi ?

Selon l’étude RISE1 (Regulatory Indicators for Sustainable Energy) réalisée en 2017 par la Banque Mondiale,  la France obtient un score de 76/100 pour l’efficacité énergétique et de 81/100 pour le recours aux énergies renouvelables. Ce résultat nous place en 6ème position au niveau européen ce qui n’est pas mal mais on pourrait faire mieux. Les freins  pour une meilleure efficacité énergétique sont nombreux : au niveau des transports, nous disposons d’un bon réseau de trains mais trop cher d’où l’usage encore important de la voiture et des bus pour les voyageurs et des camions pour le frêt ; au niveau du bâti, notre parc existant est ancien et nécessite un gros travail de rénovation énergétique. Sur ce marché,  on trouve de nombreux intervenants à la fois publics et privés. Les bailleurs sociaux disposent aujourd’hui de peu de moyens financiers et les nombreux acteurs du privé (propriétaires / bailleurs, propriétaires / occupants…) sont parfois difficiles à toucher. Et puis il y a surtout des dispositifs existants très compliqués regroupant de plus en plus d’interlocuteurs (l’ANAH, l’ADEME, plateformes Efficacité Energétique des Bâtiments, les maisons de l’habitat durable…) qui fait que l’on s’y perd et qu’on ne sait plus à qui se fier. La création d’un guichet unique devrait rationaliser tout cela mais les structures, loin de se remplacer, ont plutôt tendance à s’additionner.

Qui sont alors les bons élèves européens en matière d’efficacité énergétique ?

Toujours selon l’étude RISE, les pays du nord sont, sans surprise, les grands vainqueurs de ce classement, le Danemark en tête avec un score de 86/100 pour l’efficacité énergétique et de 95/100 pour le recours aux énergies renouvelables, suivi par les Pays Bas avec 76/100 d’efficacité énergétique et 92/100 de recours aux énergies renouvelables, puis l’Allemagne avec un résultat de 77/100 d’efficacité énergétique et de 91/100 de recours aux énergies renouvelables. Plus surprenant car on en parle peu, la Roumanie obtient un très bon classement avec 86/100 d’efficacité énergétique et 74/100 de recours aux énergies renouvelables. Concernant ce pays où nous avons effectué plusieurs missions de conseil avec VALMERE, son bon résultat en matière d’efficacité énergétique est notamment dû à la formation très pointue d’ingénieurs hyper spécialisés en efficacité énergétique, alors que nos meilleurs élèves ingénieurs en France veulent être des généralistes. L’Université Technique de Constructions de Bucarest (UTCB) m’a invité pour participer à un colloque international sur l’efficacité énergétique dans le bâtiment en juin 2016. J’ai pu visiter les laboratoires de recherche de cet établissement pour comprendre le sérieux de la formation des ingénieurs en efficacité énergétique. A l’issue de ce colloque, j’ai eu le privilège de recevoir une médaille d’ambassadeur climat 2019. La Roumanie prendra en effet la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne en 2019 et va organiser une importante conférence climat. L’Autorité Nationale de Régulation de l’Energie Roumaine (ANRE), équivalente de l’ADEME, semble être bien organisée en indiquant, par exemple,  sur son site la liste des ingénieurs et bureaux d’études agréés en efficacité énergétique, notamment pour les audits énergétiques, avec un système de certifications à deux niveaux (audits simples et complexes).En bref, un dispositif roumain peut-être plus efficace que le nôtre alors que nos deux pays dépendent des mêmes directives européennes pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Je m’engage à continuer à développer les collaborations entre la France et la Roumanie pour l’efficacité énergétique et à y retourner. Cela peut être un vecteur de croissance pour les deux pays et un bon axe de travail pour la francophonie. Je me heurte systématiquement à  un manque de financements pour ces coopérations scientifiques francophones mais ai toujours trouvé un bon soutien à la très dynamique Chambre de Commerce et d’Industrie Française en Roumanie (CCIFER)

Pour en savoir plus :
http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/02/15/world-bank-scores-sustainable-energy-policies-in-111-countries

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